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08
Jun

Réflexions sur la Zone UEMOA et le CFA

Objet de colonisation ou de servitude (volontaire ou pas), la monnaie reste un symbole de souveraineté mais elle doit s’accompagner d’une souveraineté économique. Il faut sans doute aller vers une nouvelle monnaie mais l’équation n’est pas aussi simple pour plusieurs raisons.

Cela me pousse à parler de quelques défauts sur la construction de la zone UMOA. Cette union monétaire (UMOA) est intervenue en 1962, juste après les indépendances ; certainement dictée par l'héritage colonial commun que partageaient ses pays à savoir le CFA. L'Union économique (UEMOA) n'interviendra que 32 ans plus tard soit en 1994. Cette situation explique sans doute l'absence de convergence dans les politiques économiques, publiques et autres. À titre de comparaison, les zones économiques européennes (CEE, 1957), (AELE, 1960), (EEE, 1992), ont précédé l’ÉCU (1979) et l'EURO (1999). Même si la zone économique européenne n'est pas sans défaut, (ce qui les différentes crises économiques et celle sanitaire ont révélé) elle reste un modèle économique à suivre. Toutefois, avec quels pays construire une zone économique forte et viable ? Et avec quels critères de convergences ? L’expérience de la zone Euro peut pousser les pays comme le Nigéria, (s’ils veulent vraiment faire de le CEDEAO, une zone économique) à ne pas trop s’aventurer dans une telle aventure, avec des pays qui n’ont pas une politique économique réelle.

Le second défaut réside dans les faibles échanges intracommunautaires. L’un des objectifs d’une zone économique est de créer un marché régional sur lequel les pays membres peuvent échanger des biens et services. Or dans la zone, le commerce intrarégional (CEDEAO) ne représente qu’à peine 10% des échanges. En effet, les exportations des pays de la Zone UEMOA vers la CEDEAO (pays anglophones inclus) ne représentent que 12% du total des échanges. Les importations des pays de la Zone UEMOA en provenance de la zone CEDEAO ne représente que 9,1% du total des importations. Cependant, les échanges avec l’Europe représente 46,6% des exportations (dont 23,5% avec la zone Euro) et 42% des importations (dont 30% avec la zone Euro).Une raison peut expliquer les faibles échanges intracommunautaires : la rareté des produits manufacturiers finis dû à l’absence des industries manufacturières de la zone en raison de la ressemblance de la structure des économies dont l’activité principale reste l’exportation des matières premières brutes/ semi-finies vers les pays les plus industrialisés.

La structure des échanges commerciaux doit pousser à prudence dans la démarche d’une nouvelle monnaie. Peut-être que c’est la stabilité du taux de change EUR vs XOF qui explique que la zone Euro soit le premier partenaire économique de l’UEMOA. Mais elle doit éviter aussi des écarts de change aux pays (vous me parlerez des instruments de couverture).

La deuxième raison qui peut pousser à la prudence, c’est l’appétence des pays de la zone UEMOA pour les Eurobonds (dettes libellées en dollars ou Euros et collectées sur les marchés internationaux).

  • Côte d’Ivoire (1 milliard en 2020 et 0,85 milliard en 2021),
  • Sénégal : championne avec 4 émissions depuis 2009 dont 1,84 milliards en 2018
  • Bénin (1 milliard d’euro sur 30 ans en 2021)
  • Le Togo (les chiffres n’ont encore pas fuité)

 

Les dettes libellées en devises étrangères, sur le marché international sont beaucoup plus avantageuses (taux d’intérêt relativement plus faibles et maturités plus longues) mais sont une épine dans le pied des pays qui les contractent. La stabilité euro vs XOF facilite cela.

Mais dans le cadre d’une nouvelle monnaie dont la valeur va forcément se dégrader par rapport à l’Euro, les risques de l’explosion du déficit de la balance commerciale, l’explosion des taux d’intérêts servis sur les dettes libellées en devises étrangères et l’accroissement du stock de la dette sont bien réels, surtout en l’absence d’un changement profond de la structure des économies.

La monnaie est un problème, mais le changement du modèle de création de valeur de nos économies est une bataille qu’il faut commencer et gagner. La Valeur Ajoutée Manufacturière Africaine (dans la part Mondiale) reste très faible moins de 2% en 2015. Aujourd’hui, la croissance économique de la majorité des pays d’Afrique demeure peu compétitive, centrée sur ses matières premières. L’industrie est de loin le maillon faible des tissus économiques africains. Vu la « facilité » avec laquelle, certains pays lèvent de la dette sur les marchés internationaux, on peut supposer qu’en rendant productive cette dette, certains pays peuvent se mettre sur la bonne voie et définitivement lancer leurs industries.

Afin de ne pas créer un vrai tourbillon économique qui pourrait impacter la vie de près de 130 millions d’habitants, il faut aller vers une transition économique, préparer le changement de monnaie avec une politique de transformation structurelle des économies qui passe par une création massive d’emplois durables et pérennes, une création de richesse et l’amélioration des conditions de vie des populations.

 

AYR